Une lettre qui a fait vibrer le myocarde du quadragénaire. Ce qui était normal aux yeux d'une personne comme les autres, cela était tout sauf anodin pour lui. Les soupçons avaient pesés longtemps sur les épaules de l'homme, il n'était pas possible qu'ils reviennent et qu'ils empoisonnent sa vie à nouveau. Surtout qu'une seconde vague d'accusations, il savait que cela ne passerait pas comme une "coïncidence" aux yeux du public. Une fois, cela pouvait en être réellement une. Deux fois, plus personne n'y croirait et il avait bien peur de finir comme sa bien-aimée : enfermé et obligé de s'ôter la vie pour se sentir libéré d'une façon ou d'une autre.

Il avait suivi les indications, décidé à affronter l'imbécile derrière l'écriture de ce morceau de papier, comprendre ce qu'il se passait réellement et, s'il le fallait, le faire taire pour éviter d'être découvert. Raiju était plus calme alors qu'ils rentraient tous les deux dans cette maison, cette antre qui a l'air abandonné, qui n'a plus l'air habité depuis... Plusieurs années. L'Evoli, légèrement peureux, se serrait contre la jambe de son dresseur, le courage n'insufflant pas son sang, même après autant d'années. Par moment, la boule de poils marron passait devant le pied de son dresseur, l'obligeant à s'arrêter pour éviter une chute. Oui, Raiju n'était pas rassuré par cet endroit, surtout en sentant le stress de Keith, en sentant l'appréhension qui faisait se tendre l'homme d'âge mûr.

L'homme se tourna lorsqu'une seconde personne le rejoignit. Sa première réaction aurait pu être de sauter sur cet inconnu, en supposant qu'il soit à l'origine de cette lettre. Mais il ne fallait pas se montrer suspicieux en se montrant agressif. Keith avait bien appris que l'attitude jouait un grand rôle dans la vision des autres sur soi-même. Il sortit simplement la lettre en la faisant tourner entre ses doigts : "Vous avez aussi reçu une lettre ?" La tête du "gamin" ne lui disait, ça, c'était sûr. Il n'était donc pas de la Team Ombre. Plus que deux possibilités : qu'il soit au courant de son affiliation avec la Team et qu'il était donc l'instigateur de ce petit tour. Etrangement, il n'avait pas la tête d'un homme faisant ce genre de choses. La seconde option, c'était qu'ils étaient victime d'une tierce personne qui avait simplement envie de s'amuser. Mais pourquoi ? A quel moment s'amusait-on de la sorte ?

Puis la porte qui se refermait et qui ne semblait pas vouloir s'ouvrir... Raiju sursautait et tremblait contre la jambe de Keith. L'homme se baissa et prit son Evoli dans ses bras pour le rassurer et pour éviter de le perdre, aussi. "Génial. siffla entre ses dents le Champion." Les fenêtres ne pouvaient être ouvertes, à cause des scellés... Peu effrayé par la situation, Keith rangea la lettre et montra un des couloirs de la maison : "Je vais aller voir par là, s'il y a une autre porte, à l'arrière." Malgré la boule de poils tremblotant entre ses bras, il avança vers la direction indiquée précédemment, espérant que le "gamin" n'allait pas paniquer comme Raiju.

(c) mars.

Curieux, mais pas fou. Eliott a préféré prévenir un ami de son aventure du jour, au cas où il disparaîtrait soudainement. Étrange lettre reçue il y a quelques jours. Rendez-vous donné par un inconnu. Ou une inconnue. La peur au ventre qu'il se traîne, tandis qu'il rejoint les alentours de la vieille maison abandon. Elle tombe en morceaux. Eliott serait prêt à parier qu'elle manque à tout instant de s'écrouler sur elle-même. Frisson d'inquiétude, rapidement balayée par cette envie d'être plus courageux, de ressembler un peu plus à cet aîné qu'il voit toujours et encore comme un héro. Sullivan, le grand flic de la famille. Digne héritier de leur père. « T'inquiètes pas Blue. Si on un problème, je ferai appel à Floki. » Le Léviator ne peut malheureusement pas être appelé partout. Ainsi, Eliott le garde dans sa pokeball en cas de problème. Il est certainement le plus fort de ses pokemon actuels. Quant à Togepi … eh bien … c'est bel et bien le plus faible. Petite boule d'énergie fièrement installée dans sa capuche. Eliott a trouvé un système pour que ça ne l'étrangle pas et depuis, la petite créature ne veut plus quitter son pull chaque fois qu'ils partent en vadrouille.

« Allez, c'est parti. T'éloignes pas de moi, Blue. C'est certainement une mauvaise farce, mais … on sait jamais. » Murmure Eliott tout en regardant autour de lui avant de pousser la porte d'entrée avec lenteur, de manière minutieuse. Pas de piège pour le moment, on dirait. Rapidement, il fait face à un parfait étranger. Grande carrure. Épaules larges. Visage peu sympathique. Barbe rugueuse. Et regard méfiant. Eliott penche la tête sur le côté avant d'hausser des épaules, tandis que Blue s'approche de l'Evoli du type avec intérêt, roucoulant à son encontre jusqu'à-ce que l'homme ne prenne son propre Evoli dans ses bras. Porte s'étant visiblement fermée à clé derrière lui. Eliott déglutit, Togepi attirant son attention, tremblant comme une feuille. « Eh … je suis là, ça va. » Il le serre doucement contre lui, caressant les petits pics de son crâne avec douceur. « J'ai reçu une lettre aussi, oui. C'était … certainement idiot de venir. » Il soupire longuement, fixant le type d'un air inquiet. « Euh … ça vous dérange si j'vous suis ? J'ai … pas vraiment envie d'traîner là-dedans tout seul. » Avoue-t-il en grimaçant. Si Sulli était là, ce serait mieux.

(c) mars.

Il était connu que certains Pokemons étaient farceurs. Les types spectre étant même des rois en la matière de farces et blagues en tout genre. Qu'elles soient de bons ou de mauvais goût. Ils pouvaient jouer avec la réalité, sur ce plan du réel, pour faire leur petit ou grand tour, tout en n'étant pas là, réellement, n'étant qu'un "fantôme" invisible à l'œil nu. Keith commençait à se dire qu'ils pouvaient être les victimes d'un Spectrum ou d'un Ectoplasma à l'humour noir. Cela n'étonnerait pas le champion que l'un d'entre eux ait eu l'idée de "consulter" un bottin et user de leurs pouvoirs de spectre pour obliger une tierce personne à envoyer ces lettres. Farceur et fauteur de troubles, voilà ce qu'étaient certains Pokemons. Il ne faudrait pas être étonné que d'autres choses ne se mettent à voler… Même si Raiju n'était pas rassuré, bien qu'il y ait un autre de son "espèce". Raiju préférait les bras de son dresseur, actuellement : les femelles et ses instincts de mâle passeront lorsqu'il aura trouvé ce qu'il ne connaissait pas. Le courage. Si ça avait été idiot ? Sûrement, c'était ce qu'était en train de se dire Keith. Lui qui avait eu si peur que ce soit un traquenard, qu'on menace de tout dévoiler… "C'est ce que je suis en train de me dire mais on devrait rapidement sortir. À part si un Fantominus a décidé de s'amuser avec nous ou un gamin des rues." Ou n'importe quel autre Pokemon d'humeur joueuse, ou n'importe quel autre type d'être humain. Qu'il soit jeune ou vieux, seul ou à plusieurs. Qui n'aurait pas l'idée de mettre des caméras cachées et de piéger deux inconnus. Qui pouvait imaginer quelles autres farces pouvaient contenir cet endroit ?

Keith préférait donc aller au plus court et partir d'ici au plus vite. Ses craintes n'étaient plus - à part si l'auteur de la farce avait eu l'idée de déguiser un traquenard en une farce toute simple - et il n'avait donc plus rien à faire par ici. "Venez. Au moins, s'il y a une porte, on saura sortir directement s'il le faut." L'Evoli dans les bras, il le caressait par moment, pour l'empêcher de trop trembler, le regard allant d'un côté puis de l'autre, complétement apeuré. Il savait bien que Raiju n'avait jamais été un grand courageux, il préférait le confort d'une vie calme… Autant dire que ça ne plaisait pas à l'Evoli d'être encore dans ce stress de la Team Ombre ! Keith avançait dans cette demeure totalement abandonnée en observant, en détaillant les murs, les "objets" - si on pouvait appeler objets des choses devant avoir des années derrière eux -, en se demandant si l'auteur de cette farce - humain ou pas, adulte ou enfant, spectre ou fait de chair - était entre ses murs. "Qui que ce soit, son goût pour les farces est étrange. S'il n'y a pas de porte, je proposerai bien de forcer un passage dans les murs mais vu l'état de la maison, je doute qu'elle supporte le choc." Ce qui signifierait que cet endroit des plus lugubres, deviendrait la "tombe" d'un quadragénaire ayant cru voir ses activités illégales être découvertes et d'un "gamin", qui devait être venu par curiosité… Enfin, le champion le supposait.

(c) mars.

Eliott, il a toujours été courageux. Gamin prenant exemple sur son frère aîné, il a longtemps pris la défense des autres lorsqu'il était encore à l'école. Ça lui valait quelques coups ici et là, auxquels il ne répondait pas. Jamais même. Remettre autrui à sa place, oui, mais répondre à la violence ? Ça, jamais. En même temps, avec un père et un frère flic, valait mieux pour lui qu'il se tienne à carreaux, n'est-ce pas ? Non pas que le jeune homme ai envie de faire des siennes, bien au contraire. Trop doux. Trop calme. Trop enclin à la bienséance et à la droiture d'une justice sans failles. Ce qui n'existe pas en soit. Peut-être a-t-elle existé un jour ? Ça, Eliott ne le sait guère. Mais de nos jours, la justice n'est composée que de failles. Et cela est bien malheureux.

Si l'Evoli de l'inconnu semble très inquiet, Blue, elle, arbore un regard fier et droit, qui laisse à supposer qu'elle n'hésitera pas un seul instant à se protéger elle-même, ainsi que son dresseur. Courage qui s'évapore petit à petit chez le cadet des deux hommes. Eliott veut bien jouer les dures, mais là, clairement, il ne mène pas vraiment large. Et s'ils se faisaient attaquer ? Ce n'est pas parce qu'il a commencé à s'entraîner à la salle il y a quelques semaines qu'il pourra fracasser du crâne à tout va, oh non. Eliott n'a jamais été très doué avec les combats. Et ce, depuis toujours. Donner des coups, ça l'tente pas trop, au final. « Pourquoi vous êtes venus, vous? » Qu'il demande curieusement, malgré tout, jugeant un instant le type à sa droite. On ne sait jamais. Et si c'était lui, le fautif ? Quoi que. Potentiellement impossible quand on voit le froussard qui lui sert de pokemon, en vrai. À moins que ce ne soit qu'une image envoyée pour l'amadouer ? Eliott deviendrait presque méfiant.

« Z'êtes pas le cannibale dont mon frangin m'a parlé, hein? » Il tente, pour se rassurer, grimaçant un peu. Finir dans l'estomac d'un inconnu, c'est clairement pas dans son objectif premier de la vie, ça, c'est sûr. « Enfin, j'suis pas certain que vous me le diriez si c't'ait le cas. » Voilà qu'il déglutit en essayant de faire le moins de bruit possible. Bordel. Dans quoi s'est-il encore fourré ? « Ouais non. C'est une bonne idée, mais j'ai pas envie de finir ma vie dans cet endroit. Enseveli sous du béton. Ou que sais-je encore. Vous avez dit que vous vous appeliez comment déjà? » Il ne l'a pas dit, ça, Eliott en est certain, mais il essaie par dessus tout de détendre l'atmosphère, surtout en entendant un bruit sourd venir d'une pièce derrière eux. « Vous avez entendu? » Il souffle, passe une main dans ses cheveux avant de faire signe à Blue de rester près de lui.

(c) mars.

Pourquoi être venu ? Ça, gamin, il ne le saura jamais. Il n'aura droit qu'à une piètre excuse inventée par le quadragénaire et les excuses les plus crédibles étaient souvent les plus simples. Plus l'excuse était compliquée, moins souvent elle était crue. Keith avait assez d'expérience, là-dedans, pour en être sûr et certain. "Malheureusement, la curiosité. Même à mon âge, on peut se faire avoir dans ce genre de guet-apens juste parce qu'on est curieux." En un sens, il s'était réellement fait avoir. Par X personne ou pokémon bien trop malin - ou farceur -. Le Champion avait bien compris qu'il n'était pas réellement en danger... À part si on souhaitait l'attaquer. Là, le souci, c'était qu'il ne pourrait compter sur Raiju, tremblant comme une feuille dans ses bras. S'il y avait le moindre problème, Keith ne pourrait compter que sur ses autres pokémons et ses propres poings. Pas sur son plus vieux pokémon, qui était très - voire trop - trouillard, actuellement. Puis... L'étonnement. Keith haussa un sourcil à la question du gamin et se tourna même un instant vers lui. Il avait une si sale tête que ça, qu'on pouvait le confondre avec un cannibale - sûrement serial killer - ? Ou était-ce la peur qui parlait et faisait déblatérer des idioties au jeune garçon à ses côtés ? L'une ou l'autre possibilité, mais aucune n'arrangeait réellement le Second de la Team Ombre... "Comme vous le dites, si je l'étais, je vous mentirai pour ne pas être découvert... Mais rassurez-vous, je n'ai aucun attrait pour la viande humaine. Je ne savais même pas qu'un... Cannibale ? Rôdait dans Rhode." Cette histoire était-elle seulement vraie ? Keith se le demandait et... S'en fichait. Si le gamin se faisait avoir par les histoires de son frère, grand bien lui fasse... Lui n'était touché par aucun mensonge de sa famille, l'ayant quittée depuis... Si longtemps...

Une vague de nostalgie aurait pu le happer mais son comparse de mésaventure semblait bavard... "Keith Windsor..." Le bruit alerta aussi Keith, qui se retourna. Lentement, il attrapa la pokéball de Morrigan, son Goupilou, et en fit sortir le pokémon. Cette espèce était reconnue pour ne faire aucun bruit grâce à leurs coussinets... Un avantage pour voler la nourriture mais aussi pour servir d'éclaireur en cas de situation... Angoissante, comme celle-ci. Keith s'accroupissait, tenant toujours Raiju contre lui - encore plus blême depuis ce bruit - : "Tu vas aller dans cette pièce... S'il n'y a aucun danger, tu cries. Sinon, tu reviens par ici sans un bruit." Le renard secoua la queue d'un geste vif, énervée d'être sortie de sa ball pour "ça", mais partit dans l'autre pièce sur le bout des pattes. "Les Goupilou sont connus pour leur discrétion. Ce sont des chapardeurs bien trop futé pour les pokémons et pour nous-mêmes. Elle va nous permettre de ne pas être surpris par des gens cachés dans les coins, grâce à ça..." Un cri et Keith se relevait, se dirigeant sans aucune peur vers la pièce. Espérant simplement que sa Goupilou ne s'était pas trompée et que c'était, réellement, sans danger.

(c) mars.