La playa.
Un bikini.
De nombreux regards.
Qu’est-ce qu’il y a à ne pas apprécier de la plage, dites-moi ? Une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de m’installer ici d’ailleurs plutôt qu’ailleurs. Oui, Port Amarrée est parfois trop tranquille pour mon caractère tumultueux, or ses plages m’ont convaincu d’y installer mes valises. J’y passe une bonne part de mes temps libres pour entretenir ce joli bronzage naturel offert par mes origines maternelles. Bien entendu, Bilis m’y accompagne. Contrairement à moi, le lapin enflammé ne tient pas en place. À un moment, il fait des châteaux dans le sable, à l’autre il court le long de l’eau en laissant à sa suite ses petites flammes. Je le laisse faire car j’ai l’habitude de son énergie débordante si semblable à la mienne. La différence est que pour ma part je parviens tout de même à me poser à l’occasion. Je soupire un coup en m’étendant un peu plus confortablement contre ma serviette de plage. Mes lunettes fumées me protègent des rayons nocifs du soleil et me permettent une observation discrète des environs. Il n’y a rien à signaler mais je garde tout de même l’œil ouvert. J’ignore ce que je cherche exactement, rien dans les faits. Néanmoins mon appartenance à la Team Ombre m’a rendue prudente.

Observer fait partie du boulot, constamment, tout le temps. Être au cœur de la vie publique de Rhode m’offre l’opportunité de voir et d’entendre bien des choses, de me rapprocher des cercles influents de la région aussi. Aujourd’hui je ne ferai pas de telle rencontre, du moins pas de cette nature. Cependant je conserve cette vieille habite d’être constamment à l’affût. Tandis qu’un groupe de jeunes hommes passe à ma hauteur avec des regards évocateurs, je me mets à sourire doucement en profitant de l’attention. Cependant je n’ai pas tellement envie de me faire déranger à l’heure actuelle alors je me redresse et me met à marcher en direction des vagues, à la recherche de Bilig. Ses pas ont laissé des traces dans le sable ainsi il n’est pas bien difficile à retrouver. Je le retrouve près d’un tas de roc, le regard rivé vers quelque chose qui semble s’être caché entre les crevasses. Je secoue la tête, peu surprise de ce comportement de la part de mon compagnon. Je viens lui caresser la tête pour lui signifier que je me trouve là, bien qu’avec ses grandes oreilles il m’aura entendu à coup sûr.

«Qu’est-ce que t’as trouvé là, Bill ? T’es allé loin.»

Je m’étire un bon coup tout en observant à nouveau le petit lapin qui ne démord pas de son observation dans les crevasses. Définitivement, quelque chose l’a attiré ici. Un combat point le bout de son nez à n’en pas douter; je ne suis pas certaine d’en avoir envie pour le moment cependant. C’est vrai que je me reposais bien sur ma plage, moi. Cependant il me fera du bien de me dégourdir un peu, car le soleil de la mi-journée peut parfois se montrer abrutissant. Je regarde donc alors qu’un Nénupiot émerge de sous les rochers. Visiblement, il faisait la siesta lui aussi. Le Flambino surexcité ne l’émeut pas plus qu’il ne le faut et il lui offre un grand bâillement paresseux qui ne plaît pas du tout à Bilis.

«C’est un Nénupiot, il a l’avantage de type sur toi tu sais ? Enfin, en partie, c’est aussi un type Plante. Il n’a pas l’air de vouloir se faire déranger, tu es certain que tu veux l’embêter ?»

Question rhétorique, car je connais déjà la réponse. Une fois que mon ami à poils s’est mis une idée dans la tête, rien ne l’en déloge. Il fait donc un pas décisif vers son adversaire qui, je pense, a capté le message.

Le Flambino sautille tout d’abord d’un pied à l’autre dans un exercice que je le vois souvent réaliser : il augmente la température de son corps progressivement en prévision de son attaque. Le Nénupiot sera plus lent assurément, ainsi Bilis peut prendre son temps pour bien se préparer. Avec un léger soupir amusé, je me recule pour le laisser combattre comme il le désire. Je connais le côté compétitif de mon ami lapin, si semblable au mien. Je sais que rien ne peut s’interposer entre lui et une victoire. Il n’a pas besoin de ma guidance : après tout ce Nénupiot semble d’assez bas niveau pour ne pas trop lui causer d’ennui. Ce qui suit, je m’y attendais : il s’agit de son Nitrocharge. D’un bond impressionnant, mon ami fonce tout droit sur son ennemi qui, contre toute attente, encaisse assez bien son coup. Le lapin se recule mais pas assez rapidement pour éviter le Pistolet à O du Pokémon aquatique. Ah ! Il n’a pas trop aimé on dirait. Je l’avais pourtant prévenu. Avec un reniflement mécontent, Bilis se prépare à attaquer à nouveau.

Bilis est un bon Pokémon. Il est puissant. Mais il est aussi totalement tête en l’air et beaucoup trop émotif en combat. Ce qui cause souvent des petits soucis. Par exemple, il peut lui arriver de rater son attaque complètement en essayant de précipiter ses mouvements. Je lui répète à l’entraînement de se concentrer et de faire attention, mais autant dire que ce conseil entre par une oreille et ressort par l’autre ! À croire qu’il n’y a que de l’air entre les deux. Heureusement que je l’aime bien ce petit ! En tout cas, le voilà qui encore une fois précipite son attaque et qui rate sa cible complètement. Son Vive-Attaque l’a amené beaucoup trop loin, mais prenant de court son adversaire il a pu aussi éviter un second jet d’eau. Je soupire devant l’inefficacité de ce combat et décide de prendre mon ami à part pour lui en causer un peu.

«Hé, Bilis, je sais que tu as un peu trop d’énergie, mais concentre-toi un peu. C’est trop la honte là. Respire un coup et prends le temps de prévoir ce que tu vas faire.»

Bilis n’aime pas du tout que je l’interrompe dans son travail, mais tant pis. Il doit apprendre. Je suis sa dresseuse n’est-ce pas ? Je le vois qui fronce ses petits sourcils avant d’houspiller son adversaire. Le Nénupiot a l’air d’en avoir absolument rien à faire, ce qui me tire un petit rire que je tente d’étouffer dans mon bras. Bon, on repassera pour la provocation. En tout cas, avec une concentration renouvelée, le lapin s’élance pour toucher sa cible cette fois. Bien ! Un superbe coup ! Son Nitrocharge a laissé son adversaire un peu sonné et un instant incapable d’attaquer mais il se reprend pour finalement faire mouche lui aussi. Bon, on dirait que ce combat va devenir un peu plus excitant cette fois.

«Très bien Bil, tu peux continuer avec ton Nitrocharge, cela semble faire son effet, mais attention aux attaques aquatiques du Nénupiot !»

Attaques aquatiques et les autres, qu’il ne nous a pas montré encore. On dirait qu’il prépare un sale coup ce nénuphar…

En tout cas, il n’aura pas l’occasion de nous montrer puisque Bilis, d’un bond spectaculaire d’ailleurs, le cogne de toutes ses petites forces. Incroyable ! J’observe le Nénupiot tomber, complètement sonné, dans le trou d’où il est venu. Le Flambino court aussitôt vers celui-ci, comme pour l’achever, mais ça ne sert à rien puisque le combat est déjà gagné. Je vais donc à sa rencontre et pose une main sur son épaule pour le convaincre de laisser tomber. Concentré dans sa surveillance de son ennemi, il sursaute un peu avant de réaliser que c’est simplement moi. Je lui offre un sourire qui l’apaise. Comme moi, une fois qu’il se trouve dans la «zone», il a du mal à en sortir. Je lui caresse la tête pour le récompenser de ses efforts. Juste entre ses oreilles, il y a un endroit où, lorsque je le gratte, provoque des spasmes dans sa jambe. Les coups contre la roche me tirent un sourire amusé.

«Tu t’es super bien battu Bilis, une fois que tu as repris ta concentration. Tu vois que ça peut payer des fois de… sans prendre son temps, disons prendre du recul ? Je sais, comme moi tu as envie de foncer le plus rapidement possible, mais il vaut mieux faire un combat intelligent où ta vitesse pourra vraiment briller. En tout cas, je me dis qu’on pourrait continuer à s’entraîner un peu toi et moi si ça te dit ?»

Il se met aussitôt à sautiller sur place. Je souris, attendrie. Bilis a su subtiliser mon cœur il y a longtemps. Je ferais tout pour lui. Même si j’avais envie de me relaxer, une petite série de combats sur la plage ne me fera pas de tort non plus. Je m’étire donc un grand coup avant de lui faire signe de me suivre. Je me dirige plus près de l’eau, trempant mes pieds dans l’eau salée. Le Flambino, lui, préfère se tenir un peu plus loin, pas grand amateur de l’eau. Je ne le force pas à me suivre, sachant que de loin il surveille mes pas.

Le Flambino sautille et gambade, laissant des traces sèches contre le sable humide. Je l’observe à l’occasion, laissant la bise se jouer de mes cheveux sombres. Je m’étire un peu, le soleil courant sur ma peau. J’aime beaucoup ces paysages et ne m’y habituerai jamais réellement. M’installer à Port-Amarrée aura été une des décisions les plus judicieuses de ma vie, j’en suis très heureuse à ce jour. Le Flambino, même si pas dans son élément, semble aussi se satisfaire de cette nature à proximité. Les types aquatiques ne l’ont jamais effrayé et c’est bien parce qu’il a l’occasion de s’entraîner contre eux. D’ailleurs, un autre d’entre eux apparaît non loin, un Kokiyas, qui lui tire la langue de manière peu ravissante. Autant dire que le combat est lancé d’avance, car ce geste puéril a excité les parts enfantines chez le lapin enflammé. Bilis saute à sa rencontre, un air de provocation au visage, et je devine que l’autre va en découdre.

Cependant Bilis n’a pas prévu un truc, et c’est le fait que le Kokiyas est un peu plus puissant que son prédécesseur le Nénupiot. Le Flambino rate son assaut, un Double-Pied qui le fait atterrir dans le sable plutôt que sur le dos de son ennemi. Celui-ci avait venu voir le coup à des milles et l’a évité sans trop de souci. C’est à son tour, et encore une fois mon ami se prend un coup en plein sur le museau, un Pistolet à O. Il se replie ensuite dans sa coquille, venant frustrer davantage le lapin qui peste déjà. Je soupire, me rappelant le dernier combat… Il faut vraiment que mon ami apprenne à gérer son tempérament s’il veut réussir ses batailles.

«Bilis, concentre-toi, comme tout à l’heure. Je sais que tu peux y arriver à condition de rester calme.»

Le lapin a baissé les oreilles, un peu contrarié mais tentant de reprendre le dessus sur lui-même.

Je n’aime pas réprimander le Flambino, ce n’est pas mon objectif de toute manière. Je veux simplement qu’il apprenne et cela demandera du temps. Surtout devant un adversaire un peu vicieux, qui le regarde de manière hautaine et provocatrice. Le lapin peut s’en débarrasser, j’en suis convaincue, mais s’il rate son Double Pied, il ne sera pas plus avancé. Je l’entends soupirer longuement, comme pour reprendre sur lui, avant de s’élancer d’un bond parfait vers le Kokiyas qui tente désespérément de se replier. Mais il est trop tard, Bilis est plus rapide et surtout d’une précision étonnante. Le coup résonne sur la plage, me tirant un sourire satisfait. Voilà qui aurait été suffisant pour éloigner le Nénupiot, mais ce coquillage est coriace et a une bonne défensive. Tout de même, je peux le voir émerger de sa coquille, langue première, un peu sonné par cette offensive fulgurante.

«Bien joué Bilis !» je scande fièrement.

Maintenant, une seule attaque réussie suffira pour le mettre en déroute.