Je n’attendais que cette opportunité. Celle de faire mes preuves. Je ne me fais aucune illusion quant à cette mission aujourd’hui. On m’a désigné pour faire le travail afin de me tester. Murphy ne sait pas encore tout à fait ce que j’ai dans le ventre et je la comprends d’agir ainsi et de me confier cette tâche. Plutôt que de m’aplatir comme tant d’autres devant la pression et la difficulté, je me nourris de celles-ci. À la manière du Nitrocharge de Bilis, vivre sous pression ne fait qu’augmenter mes statistiques. Et je compte bien réussir car il le faut et que l’échec n’a tout simplement pas sa place dans mon vocabulaire. Le désert est un lieu hostile dont il me faudra me méfier. Entre les Pokémon qui parcourent les lieux et les caprices des éléments, je pourrais risquer gros si je me montre imprudente. Puis qui sait sur ce que nous pourrions tomber ?

Aujourd’hui, je dois retrouver une Poké Ball. Simple, peut-être, dans les faits. Or il y a tout ce contexte qui entoure cette disparition qui peut me causer bien des soucis. Effectivement, cette Poké Ball (peu importe ce qu’elle contient) a été volée avec toutes sortes d’informations très délicates sur la Team Ombre et ses projets tant politiques que scientifiques. Le sang bouille dans mes veines à l’idée de ce traitre. Au-delà du geste il y a une intention qui pour moi est absolument intolérable : il m’a blessée personnellement puisque mon implication au sein de l’Ombre est celle d’un membre d’une famille. Je ne laisserai personne s’en prendre à ma famille. Or, le fautif est hors d’état de nuire et je n’ai pas posé de question à ce sujet. Reste cette fameuse balle à trouver et son occupant, un autre membre de la famille dans les faits. Dans l’équation, je n’oublie jamais les Pokémon même Obscurs.

«Bilis, je vais avoir besoin de tes sens pour nous aider à chercher. Si tu vois quoi que ce soit d’anormal, fais-moi signe mais surtout ne t’éloigne pas trop. J’ai un mauvais pressentiment…»

Pour ma part j’ai sorti un appareil bien pratique pour ce genre d’excursion : un détecteur de métal qui, je l’espère, me permettra de localiser la sphère.

Il ne faut pas l’oublier, cependant, que ce Pokémon a l’avantage sur mon Bilis. En plus d’être plus rapide, ses attaques de type Sol pourraient s’avérer dévastatrices. Il faudra donc que mon compagnon se montre prudent dans sa défense, mais ce n’est pas exactement son genre. À vrai dire il n’en fait qu’à sa tête et se lance tête première à la rencontre se son ennemi qui lui envoie son Coup d’Boue en plein dans la tronche ! Aveuglé et sonné, il tombe à la renverse où je crois bien qu’il ne se relèvera pas. Mon sang ne fait qu’un tour et, effrayée que le Taupiqueur en profite pour s’enfuir, je lance une balle en sa direction qui s’échoue dans le sable… Raté ! Je l’ai raté ! Ce n’est pas la première fois que je tente une capture pourtant, je devrais faire mieux. Je respire un bon coup pour éviter de me laisser submerger par mes émotions. Avec un Flambino compromis, je me dois de conserver mon calme. Je le vois qui se redresse péniblement du coin de l’œil. Il se redresse juste à temps pour éviter un second coup du Taupiqueur. Si je rate, c’est Bilis qui se prendra la fureur du Pokémon sauvage. Alors il vaut mieux que je ne rate pas.

«Tu es un vrai courseur dans l’âme, comme moi. Je t’aime bien petit. Tu n’as pas froid aux yeux. Que dirais-tu qu’on fasse équipe toi et moi ?»

J’ai capturé plusieurs Pokémon pour la Team Ombre, mais je n’en ai conservé aucun pour moi. Tout simplement car je suis particulièrement difficile, et qu’aucun auparavant n’a su subtiliser mon cœur. J’ai réalisé dernièrement toutefois qu’une équipe complète m’offrirait un peu plus de latitude en mission et que maintenant que je suis seconde, j’aurais tout avantage à me constituer une équipe un peu plus fournie. Ce Taupiqueur est l’occasion rêvée d’y parvenir. Son œil vif, espiègle, intelligent, a su me charmer. Il a compris parfaitement ce que j’ai dit, je le sens, je le vois dans ses yeux. Il me fixe un instant, comme pour me lancer un défi. S’il savait : j’adore les défis. Ainsi lorsqu’il se met à traverser le sable du désert à toute allure, je me concentre et lance ma balle au moment opportun, avec des résultats enviables. La balle touche et le Pokémon y disparaît avec un déclic sonore, qui annonce sa capture. Aussi vite ? Eh bien semble-t-il que le Pokémon Sol a été charmé lui aussi. Je soupire de soulagement en allant récupérer l’objet, sentant l’adrénaline courir dans mes veines. Je suis fière et contente. Je libère aussitôt son habitant. Il me faudra un nom pour lui.

«Je vais t’appeler comme la terre, Daigdig. Ça te va parfaitement. Tu es vraiment très rapide mon ami, tu vas trouver ta place parmi nous. Pour le moment toutefois j’ai besoin de ton aide. Nous sommes à la recherche d’une balle, un peu comme celle-ci. Sauf qu’elle est rouge au complet, avec un peu de noir. L’aurais-tu vu quelque part dans le coin ?»

Le Taupiqueur fait mine de réfléchir, observant la balle comme pour attiser ses souvenirs. Peut-être que quelqu’un l’a prise cette balle, qui sait ? Si elle se trouve dans le sable, il y a toutefois des chances que mon nouvel ami l’ait repérée. Il ne semble pas certain, mais il se met à avancer dans le désert. Une piste à explorer sans doute. Je me retourne vers Bilis pour l’inciter à nous suivre, quand je vois sa mine. Il a l’air un peu mécontent que je ne sois pas accourue à son chevet après la foudroyante attaque du petit Taupiqueur.

«Oh, arrête de pleurnicher et viens donc, nous avons fort à faire.»

Le Flambino a l’habitude de mes manières un peu rustre, ainsi il se redresse et m’emboîte le pas. Je le surprends à jeter des coups d’œil au Pokémon taupe à plusieurs reprises… on dirait qu’il n’a pas trop aimé s’en prendre plein la tronche ! Je souris : c’est bien pour cette raison que lui et moi sommes si semblables et si proches.

Nous marchons depuis plus d’une heure déjà. Je n’ai aucune idée où Daigdig nous amène, mais lui il ne flanche pas du tout. Il semble tout à fait motivé, infatigable. Pour ma part, j’avale une grande gorgée d’eau et mange une petite collation, tout en poursuivant mes recherches grâce au détecteur de métal. Nous avons trouvé quelques objets déjà mais rien qui ne vaille vraiment la peine pour l’instant. Des débris qui ne valent rien pour la plupart. Toujours pas de balle donc, mais je m’y attendais bien entendu. Nous nous rapprochons du site où ma patronne m’a indiqué avoir trouvé les documents, ainsi je me sens sur la bonne voie. Même si je ne connais pas encore beaucoup le Taupiqueur je suis convaincue qu’il nous mène vers le bon chemin. Nous grimpons le long d’une dune, sous un soleil de plus en plus intense. Son œil rivé vers moi me rappelle les attentes qui pèsent sur mon dos pour cette mission. Je n’ai pas le loisir d’échouer. Peu importe ce qui se produit, je refuse de rentrer les mains vides. Au-loin, je peux apercevoir le site en question, toutefois il y a quelque chose qui nous bloque le chemin. Il s’agit d’un lionceau pathétique, qui s’imagine pouvoir nous impressionner de sa présence. Je soupire, amusée, avant de faire signe à mon ami le Flambino de se tenir prêt.

À vrai dire, il semble assez coriace. Le combattre pourrait nous offrir une opportunité d’expérience, mais l’envie ne m’étouffe pas. Il me tarde de rejoindre le lieu où le malfrat a été retrouvé ainsi que les précieux documents. Je sais que si elle s’y était trouvée, Murphy l’aurait dénichée, mais il s’agit d’un bon point de départ pour notre expédition. En tout cas, cet Hélionceau ne semble pas motivé à nous laisser passer. Il ose même un grognement en notre direction qui ne fait pas du tout réagir le Taupiqueur devant moi. Non, clairement, il n’est pas impressionné et moi non plus. Je pense toutefois qu’il pourrait être un bon compagnon pour l’un ou l’autre de mes collègues de la Team. Ainsi je ne perds pas mon temps à le combattre, je lance directement une balle sur lui qui scelle son destin, puis récupère l’objet en faisant signe à Daigdig.

«Montre-moi ce que tu voulais me montrer, Daigdig. Je te suis.»

Une petite étincelle passe dans son regard alors qu’il dévale la pente de l’autre côté. Je pense que je l’ai amusé.

Alors que nous dévalons la pente à notre rythme, un reflet du soleil percute mon œil de manière assez violente pour que je redresse aussitôt le regard en sa direction. Au loin, je peu voir un reflet qui semble métallique et… rouge ?! Ce n’est pas possible qu’il s’agisse déjà de la balle convoitée. Murphy et son équipe ne l’aurait pas manquée alors qu’elle se trouvait à une telle proximité. Sceptique, je montre l’objet au loin du doigt à mon cher Bilis qui, aussitôt, se dirige vers celui-ci. Je dis à Daigdig de nous attendre alors que nous allons ensemble à la rencontre de ce mystérieux objet. En approchant, je réalise qu’il ne s’agit effectivement pas de la balle, mais bien d’une arme blanche. Un couteau. Je fais signe à mon ami de ne pas y toucher, comme il pourrait s’agir d’une arme de crime. Et vu la teinte rouge éloquente qui recouvre la lame, je ne me fais pas beaucoup de doute. Est-ce ma supérieure qui l’a laissée là ? Elle m’en aurait parlé si c’était le cas non ? Ou est-elle là en guise d’avertissement, à savoir que si j’échoue je subirai le même sort que la personne dont le sang recouvre le couteau ? Je m’en empare à l’aide d’un foulard dans mon sac et prend le temps de l’examiner. Aucune manière de savoir d’où elle provient et comment elle est parvenue ici.

«Tiens toi à l’affut, Bil, il y a peut-être un corps dans le coin.»

Celui du voleur et du traitre peut-être ? Pourquoi laisser derrière l’arme alors ? Cela me semble imprudent, bien qu’il y avait peu de chance qu’elle soit retrouvée dans le désert. J’enroule soigneusement l’objet dans le foulard, habitée d’un drôle de pressentiment et d’une certaine inquiétude. Il y a tout de même des chances que ce couteau appartienne aussi au malfrat, et que ce sang soit celui d’un de mes frères ou sœurs de la Team Ombre. Assombrie dans mon humeur, je reporte mon attention sur le petit Taupiqueur.

«Désolée pour cette distraction Daigdig. Était-ce que tu voulais me montrer ?»

Lui aussi semble surpris de la présence du poignard. Notre escapade ici n’est donc pas terminée.

Je suis Daigdig, de plus en plus curieuse de ce qu’il a à me montrer. Un instant, il disparaît sous la terre. Je sais qu’il n’est pas allé très loin : maintenant la balle l’a en quelque sorte scellé à moi et il ne partira pas bien loin. De toute manière je ne crois pas quel tel était son intention. Je suis ce que j’interprète comme étant les vibrations de son passage sous terre, suivie par Bilis dont l’attitude s’est quelque peu assagie depuis tout à l’heure. À présent il semble plus curieux qu’autre chose, scrutant le sable avec attention. Finalement, le petit Taupiqueur émerge à quelques mètres de nous, visiblement enthousiaste. Il a retrouvé la piste de ce qu’il désirait nous montrer ! Je lui emboîte donc le pas pour découvrir, au détour d’une colline de sable, un paysage que je mets un moment à interpréter. Il y a des traces ici pourtant qui ne manquent pas. Il y a des poils, des traces de brûlure, des lieux où le sable a été troublé… Un combat. Ici a eu lieu un combat. Il y a du sang aussi, un peu. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ? On dirait que le mystère s’épaissit plutôt que l’inverse.

«Attention de ne rien toucher Bilis, mais mène ton enquête.»

Je suis toujours inquiétée de retrouver un corps à ce stade-ci, et encore pire, celui d’un de mes compatriotes de la Team Ombre…

Alors que je débute mon investigation, une sorte de lourdeur se forme dans mon estomac. De la peur. J’ignore de quoi j’ai peur, pourtant quelque chose me dit que cette mission ne sera pas simple et que je découvrirai peut-être des choses que j’aurais préféré ne pas savoir. Je tente de laisser de côté ces pensées pour me concentrer sur ma tâche : je sais que notre devoir en tant que membre de la Team Ombre a son lot de moments déchirants. Il faut parfois avoir recours à la violence et des vies sont perdues, mais il s’agit d’un bien faible sacrifice pour l’importance de notre objectif. Je l’ai toujours su. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais commencer à m’en émouvoir et pourtant je ne parviens pas à chasser cette drôle d’impression. Bilis aussi est silencieux et surtout méticuleux dans ses recherches. Je ne l’ai jamais vu aussi sérieux je pense.

Nous sommes toutefois interrompus à l’arrivée d’une bête majestueuse qui, un instant, me coupe le souffle. Il s’agit d’un Rhinocorne, de toute évidence puissant. Il passait par là, je crois, car notre présence semble le surprendre. Il s’arrête avec une certaine méfiance, peut-être pense-t-il que tout ce carnage nous est dû. Je lui adresse un petit sourire et me redresse lentement pour ne pas l’effrayer. Comme il semble plus calme, je me risque à lui adresser la parole.

«Ne t’en fais pas, Rhinocorne, on ne va pas t’importuner. Nous essayons seulement de comprendre ce qui s’est passé ici.»

La bête nous observe avant de détourner les yeux vers le Taupiqueur.

Alors que son regard se pose sur Daigdig, un bruit me fait sursauter. Tiens donc, on dirait que je suis un peu tendue moi… Il ne s’agit que d’un piaf, un Poichigeon pour être plus exact, tout ce qu’il y a de plus banal. Comparé à ses cousins tels que Étourmi ou alors Nirondelle, il est bien moins rapide. En plus, il a l’air un peu bêta. Il se dirige tout droit vers le site où le combat a eu lieu. Il met les pattes en plein milieu de tous ces indices qui n’attendent qu’à être déchiffrés ! Je me redresse et houspille l’oiseau, sous l’œil un peu curieux du Rhinocorne. En espérant qu’il ne méprenne pas mes simagrées pour de l’agressivité, car je ne suis pas certaine que nous arriverions à le combattre adéquatement. Il semble très puissant après tout. La même chose ne peut se dire du nouveau venu qui, me voyant gesticuler se contente de roucouler moqueusement en ma direction. Je lui jette un regard enflammé, avant de faire signe à Bilis. Je n’ai pas de temps à perdre sur cet imbécile de piaf.

«Débarasse-nous en, Bilis, il pourrait compromettre la scène et les indices qui s’y trouvent.»

Sans demander son reste, le lapin s’élance. Je pense qu’il n’attendait qu’une occasion pour briller depuis son dernier combat peu convainquant contre Daigdig. La voilà arrivée je suppose.