feel like an old soul

@fering archdeacon

Jamais, au cours de sa vie, il n'aurait pensé de séparer d'une telle manière d'une femme qu'il chérissait et qu'il aimait plus que tout au monde. Il ne s'était montré ni brutal ni offensant. Il avait toujours respecté Madeleine et l'avait aimé avec tout l'amour qu'il possédait au fond de son cœur. Seulement, tandis qu'il recevait une partie de l'amour qu'elle lui portait, la blonde conservait une part qu'elle réservait à sa sœur adoptive.
Si Murphy lui avait certifié qu'il ne s'était rien passé en soutenant profondément son regard, Jakarta avait eu du mal à être convaincu. D'une part parce que les sentiments d'une personne envers une autre n'apparaissent pas anodinement, selon lui. D'autre part, parce que depuis le changement de comportement de sa sœur quelques années plus tôt, il avait énormément de mal à avoir confiance en elle. Elle restait la petite sœur qui était entrée dans cette famille grâce au grand cœur des parents Birdwhistle et il avait le sentiment qu'elle ne leur rendait pas cet amour si gentiment offert. Jakarta se posait beaucoup de questions à son propos. Cherchait-elle à fuir quelque chose et n'était-elle juste qu'une gamine ingrate à qui on avait mal appris la reconnaissance ?

Jak poussa un profond soupir. Une énième pensée à Murphy et Madeleine lui faisaient terriblement mal, faisant peser un poids délirant sur ses épaules qu'il ne se sentait pas capable d'assumer seul. Tout avait été si rapide et si fulgurant qu'il n'avait même pas su comment encaisser la nouvelle, décidant alors de tout donner au travail pour sortir cette tête blonde de ses pensées. La veille, le jeune homme avait tourné en rond pendant des heures dans son lit, absorbé par des idées saugrenues qu'il ne supportait désormais plus d'avoir. Le regard intensément plongé sur le plafond blanc, au milieu d'une obscurité environnante, le battement rapide du cœur de Zeus allongé dans son panier tentant de le bercer.
Ce matin, il était allé au travail sans avoir fermé d'œil, arpentant les couloirs du commissariat comme un zombie, des poches violettes sous les yeux, le teint blafard comme s'il était malade. Finalement, son supérieur remarquant l'état dans lequel il se trouvait pour travailler, l'avait renvoyé immédiatement chez lui malgré les suppliques de Jakarta.

Finalement, après une courte sieste réparatrice, l'homme avait décidé de se vider l'esprit en allant sur la plage de sel. Peu de temps auparavant, il avait reçu un message de son amie, Fering. Jamais il n'avait osé poser les yeux sur elle, trop fidèle à Madeleine pour envisager quoi que ce soit. Puis, évidemment, la jeune femme avait remarqué très rapidement l'anneau autour de son doigt - ôté aujourd'hui, posé sur une table de nuit, qu'il était capable de contempler toute la nuit, se torturant l'esprit. Et la jeune femme blonde s'était aussi montré très amical, sans aucun sous-entendu, imposant entre eux une relation formelle mais appréciable.
En marchant sur le plage en compagnie de Zeus - la dernière fois qu'il était venu, c'était lors de sa dispute avec Murphy - Jakarta remarqua une silhouette familière. Il ne s'attendait pas à revoir la femme sitôt après son message mais malgré tout, il s'avança vers elle, tentant de se donner bonne mine pour ne pas l'alerter. En vain.

Il souriait tandis qu'elle s'avançait vers elle. « En personne. Comment tu vas depuis le temps ? Des nouvelles des affaires dont tu m'avais parlé ? »

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Une femme blonde, en compagnie d’un Evoli. C’était la vision qu’il avait actuellement et pendant un instant, tandis qu’elle avait les cheveux au vent, il se surprit à ne pas la voir comme une simple amie avant de se raviser aussitôt. Il était évident que Jakarta faisait d’effrayants parallèles et que la demoiselle méritait bien mieux. De plus, jamais il ne ferait de cette femme un pansement, comme toutes les autres femmes. Personne ne méritait d’être pris ainsi ; aussi, il chassa immédiatement les pensées qui l'assaillaient pour simplement se concentrer sur la jeune scientifique qui semblait revenir de loin. Il ne put s’empêcher de s’abaisser à la taille de la petite boule d’énergie qu’elle avait pour compagnon afin de s’amuser un peu avec. « Ouais, les nuits sont courtes. On a beaucoup de taff en ce moment. » Semi-mensonge, semi-vérité, cela lui faisait quand même un peu mal d’admettre qu’il n’était plus l’homme de la vie de Madeleine et que désormais, il n’y avait qu’une marque blanche sur son annulaire.

Il releva la tête vers elle, accroupit près du sable tandis qu’elle lui expliquait ce qu’il advenait sur ses affaires. Il plissa les yeux en comprenant que si quelque chose se tramait, il risquait aussi d’être impliqué tôt ou tard. Généralement, il mettait rarement la police de côté dans ce genre de cas. « Tiens-moi au courant dans ce cas, peut-être qu’on sera amené à travailler ensemble s’il se passe véritablement quelque chose. » Il avait toujours été sceptique vis-à-vis des pokémons spectre et il s’imaginait que cette venue n’était pas anodine, surtout si elle devait s’entretenir avec le président. Finalement, il se releva complètement en faisant craquer involontairement les os de ses genoux. Il croisa ses bras sur sa poitrine, scrutant l’horizon. « Rien de bien intéressant, tu sais. C’est compliqué avec Madeleine en ce moment. Et toi, côté coeur, tu as finalement rencontré quelqu’un à Frimapic ? Un beau scientifique, un technicien de labo, je sais pas ? » lui demanda-t-il avec un sourire narquois aux lèvres. Dans ses yeux, il se noyait. Un océan de possibilités. Un naufragé à la recherche d’une main tendue, d’un radeau perdu.

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Madeleine.
Madeleine, elle occupait ses pensées. Tout le temps. Au bureau. Sur une affaire. Quand il essayait de s’endormir. Sous la douche. Quand il ouvrait son téléphone, glissant sans s’en rendre compte dans la galerie pour zieuter une ou deux photos d’eux. Quand il voyait son anneau séjourner esseulé et terne sur sa table de nuit. Autrefois, le bijou était plein d’éclats, tout comme le regard de Jakarta. Désormais, il savait qu’il avait des poches violacées immenses sous les yeux. Peut-être bien qu’il devait avoir les joues creusées et une gueule de déterré. Il croisait rarement le miroir ces temps-ci pour se rendre compte de son état lamentable. C’était à peine s’il pouvait se regarder en face quand il se passait de l’eau sur le visage.
Croiser à nouveau Fering avait eu pour effet de lui faire un bond gigantesque dans la poitrine simplement parce qu’il avait cru voir Madeleine.
Encore.
Toujours.
Partout.
À croire que son fantôme le suivait. À croire qu’elle était morte, dit comme ça. Elle n’était pas morte, non. Mais son souvenir s’évanouissait peu à peu pour venir le hanter chaque nuit.

« Ne t’en fais pas. Si besoin, je te demanderais. » lui lança-t-il avec un regard entendu. Il lui sourit faiblement, comme s’il venait de lui promettre quelque chose tout en sachant qu’il mentait. Il le savait pertinemment : dans une soirée de détresse, accoudé au bar, Jakarta ne serait pas celui qui allait appeler son amie mais plutôt celui qui allait s’enfiler des verres sans rien dire à personne. « On dirait. » dit-il en rigolant, passant une main sur sa nuque. « Je vois. Eh bien, on dirait que personne ne peut te détourner de tes objectifs ou de ton travail. » Il baissa les yeux pour voir son pokémon se frotter à lui et sentit un frisson le parcourir. L’evoli de Madeleine avait tendance à faire la même chose … Il eut un léger moment d’absence avant de relever soudainement la tête. « Pardon, tu disais ? Un café … oui, ça pourrait bien m’aider à tenir pour le reste de la journée … » Il emboîta le pas de la jeune femme, direction le café qu’elle déciderait.

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Estimait-il qu'il avait été à la hauteur ? Peut-être pas. Peut-être que son mariage foireux venait du fait que ces derniers temps, il avait été davantage plongé dans le travail que dans sa vie de couple. Peut-être aurait-il dû être plus présent, lui montrer davantage qu'il l'aimait avec toute la force qu'il a. Peut-être qu'il n'aurait pas dû laisser leurs projets d'avenir en suspens. Néanmoins, il doutait du fait de pousser les choses à se faire. Si elles n'avaient pas été mises en place, c'était peut-être parce que Madeleine savait déjà et qu'elle ne voulait pas allez trop loin, trop vite. Pourtant, huit années à ses côtés. Et pas d'enfant. Ni d'animaux. Alors qu'ils en voulaient tous les deux. Il y avait eu un mariage, oui, de toute évidence. Un mariage heureux. Une lune de miel délicieuse mais aujourd'hui, qu'étaient-ils devenus ? Des fantômes, l'un pour l'autre. Devait-il se rendre à l'évidence que depuis un moment, son couple battait de l'aile ? Y'avait-il eu des signes qu'il n'avait pas vu ou était-ce si inattendu qu'il n'y paraît ?
Il ne saurait répondre à ces questions. Mais elles tournaient néanmoins dans sa caboche, l'empêchant de s'endormir le soir. L'empêchant parfois de se mettre sur ses affaires, au travail. L'inspecteur avait l'impression de ne pas forcément mériter sa place au sein de la police à l'heure actuelle. Était-il vraiment digne de ce poste ? Pourquoi est-ce qu'un départ dans sa vie déclenchait alors toute une remise en question ?

Les questions sans réponse l'amènent à écouter Fering d'une seule oreille. Il a les yeux dans le vide et c'est seulement lorsqu'elle pose sa main sur son épaule qu'il s'extirpe de ses pires cauchemars, tournant un regard vide vers elle. Il ressent au fond de lui tout le vide que Madeleine provoque, et ça lui fait terriblement mal au cœur.
Finalement, sur les talons de la jeune femme, il sent Zeus grimper sur son épaule avant de lui donner un coup de visage affectueux. Jakarta lui adresse un faible sourire, nerveux.

Une fois arrivé à leur table, Jakarta était décidé à ne rien prendre jusqu'à ce qu'elle lui dise qu'elle l'invite. Alors, pour lui faire plaisir, il commanda un café serré. Peut-être qu'avec cela, il tiendra davantage la journée. Puis, il repense aux paroles de la jeune femme, qu'il avait écouté d'un air distrait tout à l'heure. « Tu t'installes ici alors ? Est-ce qu'il y a un quartier ou une ville qui te plaît le plus à l'heure actuelle ? Fais attention à certains d'entre eux, ils se révèlent dangereux à cause de petits voyous. » lui indiqua-t-il. En tant qu'inspecteur, il était amené à faire des patrouilles dans des lieux parfois moins commodes que d'autres. Et il était pour lui hors de question de mettre en danger une connaissance alors qu'il avait la possibilité de bien la guider.

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James aurait pu regarder Fering pendant des heures, stupéfait de sa ressemblance avec Madeleine. Fering était néanmoins une femme légèrement plus élancée, avec des airs plus doux et un visage plus fin. Mais cela ne l’empêchait pas d’être ravissante, d’avoir de magnifiques yeux bleus transcendants et une longue chevelure blonde qui lui rappelait énormément Madeleine. C’était peut-être cela le plus dur avec la jeune scientifique : la croiser, être une connaissance, un ami, avec elle, tout en sachant que s’il se passait quelque chose entre eux, Fering ne serait malheureusement qu’un pansement, un compensation, un rappel, un souvenir de sa vie d’antan, en compagnie d’une femme qu’il connaissait depuis une dizaine d’années. Et savoir qu’elle pouvait avoir un cœur plus bon qu’elle, qu’elle ne lui ferait certainement pas de mal lui mettait du baume au cœur, mais James savait qu’il n’avait même pas droit de la regarder, au risque de tomber dans quelque chose de malsain.
Il accepta malgré tout sa proposition d’aller prendre un café avec elle, sachant que ça ne lui coûterait rien de sortir un peu. Après avoir commandé son café serré, il vit le thé de la jeune femme arriver, son café ainsi que la part de gâteau. Il vit Fering le couper en deux et en pousser un bout vers lui. Il décida néanmoins de le repousser poliment. « Non, merci, t’inquiète, mange. » lui lança-t-il avec un petit sourire aux lèvres pour la convaincre. La vérité était qu’il n’avait rien envie d’avaler à ce moment-là de la journée et encore moins profiter d’un si bel instant avec elle. Il préférait se refermer dans sa carapace, d’encaisser ses problèmes amoureux et de ne rien dire. De ne pas avouer qu’il était énormément fatigué, épuisé, des cernes sous les yeux, parce qu’il cauchemardait et travaillait comme un fou pour oublier sa peine. Il était hors de question de l’inquiéter, ce n’était rien de bien méchant ; juste un divorce, après tout. Le divorce de son premier amour. Le vrai. De la femme de sa vie. Qui partait avec une autre femme. Qui était sa sœur adoptive. Et il n’avait rien vu venir. Et il se sentait terriblement impuissant et trahi mais aussi très seul.

Mais il devait se taire.
« Je vois … » Il resta pensif pendant un long instant. D’une certaine façon, cela l’aurait arrangé que la jeune femme se reparte. Enfin, oui et non. Il ne voulait pas tomber dans un jeu dangereux, voilà tout. Certes, il aurait aimé qu’elle reste mais il savait tout aussi bien que si elle retournait auprès de Cynthia, tout désastre serait écarté de sa vie et de celle de Fering. Il refusait catégoriquement de faire du mal à une femme qui avait un si beau coeur. Il la regarda se mordiller la lèvre inférieure et détourna aussitôt le regard. D’un ton détaché, il parcourut les lieux des yeux, but une gorgée de son café brûlant en grimaçant et répondit : « Y’a des quartiers peu habités et d’autres, mal fréquentés. J’ai la conviction que la Team Ombre rôde toujours, même si elle a été évincée. On en entend bien trop parler ces derniers temps pour que ce soit de simples rumeurs infondées. Tâche d’être prudente, surtout. » termina-t-il d’un ton paternel.