patience is the key

@freyja hofstadter

Dans le tourbillon morbide de ses pensées, Søren parvint finalement à s'extirper de la berceuse qui était en train d'essayer de le rendormir. Son dernier fils avait en effet tenté de rendormir son père, parce qu'il trouvait qu'il ne dormait pas assez. Ainsi, à l'aide d'un crochet, il avait tenté d'approcher le bruit d'une berceuse au-dessus du lit de son père. Ainsi, Søren avait grogné contre ce petit sadique - non sans un sourire, évidemment. Comme le père avait grogné puis s'était levé, le petit dernier s'était retiré en courant comme un fou dans la maison avant de lancer une musique de tango et de casser les oreilles de son père. Le quarantenaire tira difficilement malgré tout sa carcasse de son lit avant de rejoindre la cuisine pour manger quelque chose. Sur le comptoir, son lit avait laissé la bouteille d'eau en plein milieu, sans le remettre au frigo.
— C'est pas comme ça qu'elles vont rester fraiches, les bouteilles d'eau, si tu les laisses hors du frigo ! gueula-t-il à travers la maison, avant de pester dans sa barbe.

L'aube se levait doucement quand il ouvrit les volets de la cuisine et le courrier avait été posé par son pokémon, Evoli. Dans l'article à la une, il était étrangement question d'un scientifique qui aurait été pris au piège en cliquant sur un mail frauduleux.
— Bah évidemment ! Ils le savent, pourtant, qu'il faut pas cliquer sur n'importe quel lien.
Il but finalement son café, ce qui l'aida à se réveiller. Les rayons du soleil dans son dos lui faisait énormément de bien, la chaleur lui donnant presque envie de se rendormir.
— Vous voulez manger quoi ce soir, les enfants ? Des burgers ?
Mais personne ne lui répondit, à croire que la maison était déserte. Søren poussa un profond soupir avant de terminer son café et de partir se préparer.

— Allons, Freyja, tu es prête ?
Il poussa un profond soupir mais il n’était pas étonné que sa fille soit légèrement à la traîne pour se préparer. La veille, il lui avait proposé d’aller se balader dans la Forêt Sacrée afin d’aller capturer de nouveaux pokémons. Avec la création récente de son élevage de type plante, il était déterminé à attraper des pokémons de ce type afin de les mettre à la reproduction. Il avait l’espoir aussi de faire reproduire d’autres pokémons et de faire marcher son élevage aussi bien que celui qu’il avait eu à Alola. Repenser à tout cela lui faisait penser aussi à d’anciens souvenirs, mais il les repoussa aussitôt, sa fille venait de débarquer.
Pendant un instant, il regretta de ne pas y aller avec ses autres enfants mais cela faisait un bon moment qu’il n’avait pas pu partager un moment seul à seul avec la fille biologique d’Annie - même s’il l’avait adopté, évidemment.
— C’est bon, t’as fini ? lui lança-t-il en rigolant. Allez, grimpe.

Il monta dans sa voiture en compagnie d’Orchid et de Kaiminus. Il démarra sans attendre la voiture, maintenant que toute la petite troupe était à bord et fila vers la Forêt Sacrée. Le trajet se déroula sans encombre. Ils passèrent même devant une jolie petite cabane dans laquelle des bougies semblaient allumer - de quoi faire froncer les sourcils du quadragénaire - et bientôt, Søren se garait sur le parking avant d’arriver à la Forêt. Il fallait dire qu’elle n’était pas tout près, mais qu’une bonne balade de plusieurs heures à marcher dans la Forêt ne leur ferait pas de mal. Cela lui évoquait à nouveau de nombreux souvenirs quand ils profitaient de quelques balades avec Annie, en amoureux, avec Freyja, quand elle était toute petite. Bientôt, les deux enfants qui suivirent venaient en poussette lors de ces balades.
Søren, même après le décès d’Annie, avait décidé de perpétrer cette tradition des balades familiales. Si cela n'avait rien de contractuel, aucun de ses enfants ne s'était véritablement opposé à ces traditions. Beaucoup de choses étaient restées depuis le décès d'Annie et il savait pertinemment que les deux plus jeunes en avaient besoin. Après le décès de la mère de famille, les enfants avaient été profondément touchés. Et ils l'avaient été encore davantage lorsque Søren, prit d'un élan de compassion, avait décidé de suivre la voix de sa première fille, déménageant à Rhode tout en déracinant ses derniers enfants.

Cela avait été particulièrement dur pour lui, étant donné que la maison lui rappelait énormément de souvenir. Dans cette cuisine, ils avaient fait de bons petits plats ensemble. C'était même Annie qui lui avait appris à cuisiner certaines choses parce qu'ils étaient excessivement nuls à ce genre de choses. Aujourd'hui encore, il la remerciait silencieusement de lui avoir permis de savoir cuisiner pour ses enfants. Il pourrait, par exemple, ce soir, leur faire les hamburgers maison qu'elle lui avait appris à faire.
Dans le salon dans leur ancienne maison, ils avaient aussi partagés beaucoup de moments en famille, comme des moments à deux. Évidemment, chaque pièce avait son histoire. Et sa première fille avait fait en sorte de lui expliquer que dans leur nouvelle maison à Rhode, ils allaient écrire une nouvelle histoire. Une histoire où on ne leur rappellerait pas constamment qu'Annie était morte. Un endroit où chacun allait pourvoir se reconstruire à sa façon, puis s'épanouir sans avoir, malheureusement, un fantôme qui rôdait autour d'eux.

C'est ainsi qu'il avait décidé de déménager. Et aujourd'hui, il se plaisait dans la jolie petite ville de Rhode, dans une belle maison, avec tous ses enfants. Et c'est aussi pour cela qu'il avait choisi de leur transmettre les valeurs et les traditions de la maison : parce que ça faisait partit de leurs gènes.
Lorsqu’ils pénétrèrent dans la Forêt Sacrée, Søren déclara aussitôt :
— J’espère que je pourrais capturer quelques pokémons plantes. Ils nous seront utiles pour l’élevage …

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Freyja avait été sa deuxième fille à ses yeux. Une demoiselle très ouverte d’esprit et très curieuse, comme sa mère, qui avait su faire face au décès de celle-ci avec force et courage. Il admirait sa bravoure et même s’il ne lui disait pas assez, Søren l’aimait et était particulièrement fier de la femme qu’elle était devenue : une dresseuse et une championne hors pair qui ne méritait que son sourire et sa joie. Bien sûr, Søren avait toujours poussé ses enfants plus loin, de quoi avoir quelques rapports tendus entre lui et ses enfants sur certains sujets. Mais il avait toujours fait cela dans l’objectif de les éduquer correctement et de les protéger comme un père. Et peut-être aussi comme une mère, tentant parfois de jouer deux rôles à la fois.

Aujourd’hui, c’était leur petite sortie à deux, mais évidemment, Freyja avait déjà trouvé le moyen de l’exaspérer en passant dix ans dans sa chambre avant de débarquer pour partir.
« Je râle pas déjà. » lança-t-il en l’entendant parler à ses Moustillons. Elle en avait trois ! « Puis, t’as de la chance, hein … » Elle n’avait pas été si longue, c’est vrai. Mais suffisamment pour qu’il réveille l’ours en lui.
Finalement, ils prirent la voiture et dans celle-ci, il la regarda avec ses deux pokémons identiques mais se tut. Ce ne fut que lorsqu’ils émergèrent du 4x4 qu’il se tourna vers elle brusquement.

« Bon, dis-moi, sérieusement ? Tu comptes nous faire un élevage de Moustillon ? Parce que tu sais quand même qu’on élève des pokémons de type plante à la maison ? »

Ils rejoignirent assez rapidement le sentier qui menait à la forêt sacrée et son instinct de ranger se mit soudainement en marche. « Hum, Vivaldaim serait une belle découverte, j’avoue. Sinon, Marisson, Bulbizarre, la plupart des starters en général. » Lorsqu’elle lui demanda s’il avait bien dormi, il hésita pendant un instant à lui avouer toutes les pensées accablantes qu’il pouvait avoir avant de s’endormir, mais il esquiva le sujet. « Ça va. Et toi ? » lui répondit-il impassiblement. « Tu as toujours des cauchemars ? » s'inquiéta-t-il.

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Jamais il n’avait eu la prétention de dire qu’il remplacerait le père de Freyja et Clarence quand ceux-ci sont arrivés dans la famille. Annie comme lui avaient le même point de vue là-dessus. Il s’était même efforcé de le répéter à Clarence notamment qui n’avait pas beaucoup apprécié la présence de Søren dans la vie d’Annie, il avait fallu qu’il se rende à l’évidence : ce lien, entre les deux hommes, serait compliqué à établir. Søren avait préféré le laisser partir plutôt que de le retenir contre son gré. Cependant, il n’avait pas lâché avec Freyja, qu’il avait élevé depuis qu’elle était bébé et qu’il avait entendu taper contre le ventre de sa mère. Il se souvenait encore des battements de son cœur lors de l’échographie et du tatouage de ces fameux battements que sa mère s’était fait au poignet droit.

Freyja lui cloua le bec lorsqu’elle lui parla de ses Moustillons capable de leur offrir de l’eau pour les plantes, mais il répliqua finalement du tac-au-tac, comme elle. À croire qu’ils étaient véritablement père et fille.
— À ce que je sache, je ne fais pas pousser des plantes, je fais grandir des pokémons.
Il avait trouvé cela légèrement réducteur de dire que ses pokémons n’étaient que des plantes. Enfin, s’ils parlaient vraiment de la même chose.
— Chromatique ? Intéressant, ça …
Il se toucha la barbe, plutôt impressionné et ne trouva rien à rajouter concernant les Moustillons de sa fille.

Finalement, le sujet tourna vers les pokémons que Søren recherchait actuellement. Il fut agréablement surpris de savoir qu’elle cherchait le même type de pokémon que lui. Il lui sourit.
— Ah oui, c’est fou ça, regarde ce qui vient d’arriver devant toi, lui lâcha-t-il avec un large sourire. En effet, un Vivaldaim venait de faire son apparition sous les yeux ébahis. À toi l’honneur.
Pendant ce temps, la discussion glissa son sommeil, qu’il tenta d’esquiver du mieux qu’il pouvait. Il serra les dents quand elle lui parla qu’elle n’avait pas eu de cauchemars cette nuit.
— Et les autres nuits ?
Il sentait qu’elle avait envie d’entrer dans la confidence. Il regarda ailleurs pour prendre du courage. « Le départ de ta mère est encore douloureux, certains soirs et les nuits sont assez solitaires. J’ai de magnifiques souvenirs d’elle qui se transforment en cauchemars parce que mon subconscient a la sensation d’avoir échoué une mission, comme un ranger. Moi qui sauve des vies, je n’ai pas pu, cette fois-ci. Et pourtant, j’ai accepté son départ. Mais de temps à autre, ça revient. »

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Pendant qu’ils proposaient des petites sorties à l’élevage avec Helmi - parfois même avec Lukas quand celui-ci voulait bien - il proposait de plus grandes excursions à ses filles aînées qui n’avaient aucun mal à le suivre ici et là quand il s’agissait de découvrir de nouveaux lieux, d’attraper de nouveaux pokémons et de remplir l’élevage. Jusqu’ici, néanmoins, la discussion tournait essentiellement autour des Moustillons de Freyja qui étaient utiles ou non à l’élevage plante de son père. Celui-ci ne comprenait pas comment elle pouvait autant les aimer au point d’en avoir trois. « Mes pokémons, asséchés ? Eh oh, t’arrêtes de trouver n’importe quoi ? Les pokémons plante ne s’assèchent pas, puis je m’en occupe très bien, merci. » Parce qu’il avait le sentiment qu’elle insinuait le contraire. « Non, ils n’ont rien d’adorables … » Il préférait faire son grognon que d’admettre qu’un pokémon de type eau puisse être si mignon que ça. S’il ne faisait plus de combats pokémon, Søren savait néanmoins à quel point les pokémons de type plante pouvaient battre à plate couture ses petits moustillons.

Alors qu’ils continuaient leur discussion, un Vivaldaim fit soudainement son apparition, comme s’il avait été appelé. « Tu as de la chance avec les bêtes, je crois bien. » chuchota-t-il à son intention pour ne pas effrayer le pokémon. Il la vit faire une tentative pour l’attraper tandis qu’elle répondait à sa question, et qu’il se confiait à sa fille. Søren avait rarement établi de tabou à ses enfants sur les dernières années de sa vie, notamment parce qu’Annie n’était plus là. Et qu’il savait que les mensonges et les secrets pouvaient détruire une famille. Il avait toujours été transparent avec ces enfants et ce n’était pas maintenant que cela allait changer.
Il écouta sa fille avec attention, désireux de savoir ce qui se tramait dans la tête de sa fille, savoir si elle dormait bien ou non. Le fait d’être transparent avec ses enfants les rendaient souvent eux-mêmes transparents avec lui, comme si le mensonge amenait le mensonge et inversement. « C’est surmonté. Pour moi, du moins. Mais je m’inquiète pour les deux petits. Ils continueront de grandir sans leur mère et je ne sais pas si c’est une bonne chose dans leur construction. Et s’il finissent comme … » Il n’osa pas dire son prénom. Mais il voulait évidemment parler du premier frère de Freyja, Clarence. Ils savaient tous comme il était devenu avec l’absence de sa mère. Et voir ses enfants devenir comme lui était impensable.

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tw : deuil.

Søren n’avait rien contre les pokémon de type eau, mais il était un peu ronchon, c’est sûr. Néanmoins, lorsque Freyja lui avoua qu’elle le taquinait, il finit par se radoucir. « Si tu veux, mais ils ne seront jamais aussi mignons qu’un pokémon de type plante, c’est tout ce que je dis. » dit-il en levant les mains comme pour se dédouaner. « Bon, après, tant que tu les aimes, c’est le principal. » Même s’il aurait aimé voir une passion naître pour les pokémons plante chez Freyja, il s’avoua finalement vaincu face aux deux Moustillons de la demoiselle. Søren se concentra finalement sur Orchid, qui essayait de jouer avec Mousse et Pirate. Comme elle sautait dans tous les sens, les deux pokémons la regardait, un peu désintéressée. C’était rare qu’il la voit aussi active. Le matin, quand elle était avec lui sur la terrasse, elle était très calme. Il faut croire qu’une balade en forêt lui plaisait pas mal. « J’envisage de donner une pierre plante à Orchid, t’en penses quoi ? » Elle serait parfaite pour l’élevage plante, mais il réfléchissait encore aux conséquences de son évolution.

Lorsqu’un Vivaldam apparut alors qu’ils venaient d’en parler, Søren fut heureux pour Freyja, même si elle rata ses deux premières tentatives. « J’imagine qu’il est un peu taquin et qu’il veut t’embêter. Tu veux que j’essaye ? Je te donnerai la pokéball si je l’attrape. » lui confia-t-il pour essayer de la rassurer, alors que le pokémon plante les regardait, de ses yeux doux. La discussion se tourna vers le grand frère de Freyja, tandis que Søren restait sceptique quand au cas du gamin. Les paroles de la demoiselle lui mettent du baume au coeur tout comme elles lui font un petit pincement. Mais elle a raison : où qu’elle soit, Annie veillera toujours sur eux. Et Lukas et Helmi ne finiront pas comme elle. Alors que Freyja passait un bras dans son dos, Søren décida d’entourer lui aussi les épaules de sa fille et de la serrer fort. Peu importe où tu es Annie, continue de veiller sur nos enfants, de là où je ne peux pas être pour veiller sur eux. Je t’en prie.
Perdre l’un d’entre eux l’anéantirait.

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tw : deuil.

Annie lui répétait souvent qu’il avait des idées trop arrêtées, qu’il devait lever le pied sur ses enfants pour leur laisser davantage de libertés. Il entendait encore parfois sa voix dans sa tête lui dire de laisser couler. Il voyait encore sa femme lui attraper le bras pour le détendre ou lui signifier d’un geste de la main qu’il fallait qu’il redescende parce qu’il surréagissait. C’était grâce à elle qu’aujourd’hui, il se montrait plus ouvert. Cette femme avait complètement changé sa vie et en bien d’ailleurs. Qu’il abdique sur la question des Moustillons auprès de sa fille était encore un témoignage du changement qu’avait pu instiller Annie chez son mari. Un sourire s’étira sur le visage de Søren quand il vit Freyja lui annoncer qu’elle aimait ses pokémons inconditionnellement. C’était un amour primordial, il se l’était toujours dit. « Je ne sais pas si elle acceptera la Pierre Plante. J’espère en tout cas. » Il laissa son regard divaguer sur Orchid qui reniflait un buisson lorsqu’un Vivaldaim surgit de nulle part.

Après plusieurs tentatives pour le capturer, Søren décida de lui proposer son aide avant qu’il ne décide de s’enfuir. Freyja tenta une dernière fois avant de se blottir contre son père. Un peu surpris, il finit par l’entourer de son bras jusqu’à ce qu’une question le fasse grandement réfléchir. Il pensa soudainement à Morgan mais il savait que l’amour ne se trouvait pas simplement au coin de la rue, comme ça. « Bien sûr que c’est possible, ma chérie. On peut aimer beaucoup de personnes au cours d’une vie, Annie n’a pas été la première personne pour laquelle je suis tombé amoureux, tu sais. » lui lâcha-t-il en souriant. Néanmoins, il perdit rapidement ce rictus en entendant la suite de la question. « Certainement pas, ma puce. Tu as encore toute une vie devant toi avant de tomber amoureuse. Et puis, tu sais, chaque histoire est unique. Tu trouveras la personne qui te correspond. Cette histoire sera sûrement très différente de celle que j’ai eu avec ta mère, mais ce n’est pas pour autant que ce sera mal. Tant que tu es heureuse, c’est tout ce qui importe. » Søren ne l’avait pas tout de suite remarqué, mais en détachant son regard de celui de Freyja, il constata que la pokéball ne bougeait plus. « Regarde, je crois que tu l’as eu. »